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Lyon, Galerie Pallade, Vladimir Velickovic, exposition du 8 novembre 18 au 12 janvier 2019

Les différentes pièces présentées par la galerie Anne-Marie et Roland Pallade se déclinent au présent de l’artiste. Réalisées entre 2016 et 2018, elles prolongent sa pérennité thématique


Vladimir Velickovic © Gérard Schachmes
Vladimir Velickovic © Gérard Schachmes

Soyons franc. On ne présente pas ou plus l’œuvre de Vladimir Velickovic. Un travail qui se déploie à compter de 1959 en vastes séquences où la puissance visuelle s’accorde à la virtuosité technique en dévoilant sa propre intelligibilité dans son existence même. Un art poétique qui se révèle dans l’expérience et non dans la règle. Ici le dessin irrigue la peinture, la structure, la prolonge. La force du propos, l’évidence de cette pensée visuelle peut induire une admiration muette. L’émerveillement le dispute à la stupéfaction dans cette captation des regards. Pour autant la glose n’oblitère pas l’émotion. L’intelligence de la peinture peut se découvrir entre le vertige et le commentaire. Toutefois la sensation reste première. Car c’est bien de cela dont il est question, de ce trouble indicible que la peinture suscite.

Les différentes pièces présentées par la galerie Anne-Marie et Roland Pallade se déclinent au présent de l’artiste. Réalisées entre 2016 et 2018, elles prolongent sa pérennité thématique : feux, corbeaux, chiens, avec une inflexion particulière sur l’espace. Les quelques éléments présents de la figure et du corps s’inscrivent en effet dans le paysage. Aucun dessin, la peinture étant privilégiée, mais quelques sculptures. Des têtes, projets / modèles d’une création plus ample qui se découvre désormais sur le chemin qui conduit au Vésuve. Le feu, les brasiers, l’incandescence, plus que jamais … Mais aussi les gibets, les potences, les corps suppliciés. L’appréhension de l’horreur … La sélection existe. Choisir de donner à voir…
Pour Velickovic le simple fait de proposer une période pose question car chaque œuvre se révèle, dans le même mouvement, rétrospective et annonciatrice. Ici point de segment, mais un même souffle, un seul geste, la manifestation d’une singulière volonté de rendre compte du silence habité du chaos. Chaque élément développe ainsi l’essence du projet plastique, de ce qu’il faut appeler une manière, un style, un univers.
Ecoutons Velickovic à propos de l’exposition initiée en 1977 par Alain Jouffroy, Guillotine et peinture, Topino-Lebrun et ses amis. « …
1. Exécutions de l’image.
2. Approche physique de l’histoire comme fiction mortelle : un destin en ombre de poignard.
3. Action des séquences où le temps se raye. Arrêt brutal : chaque constat fixe le présent.
4. Guillotine du clair-obscur : condamnation de la palette et restes symboliques des épaves d’artiste.
5. Exposition horizontale, rétrospective du corps : le peintre livré à tout venant.
6. Largué, jeté, basculé aux profits et pertes : à moins que ne commence un face à face avec l’inconnu.
7. Du mouvement brisé de la lumière nait un geste incurable.
8. Répétition de la tuerie : Le possible bégaie.
9. Des documents entre meurtre et mensonge : flashes épinglés sur éphémérides de la mort ».


Au-delà du projet spécifique à propos de l’auteur de La Mort de CaÏus Gracchus, la peinture apocalyptique de Velickovic se découvre telle une peinture d’histoire contemporaine. On sait la mémoire à vif du peintre sur ses souvenirs des atrocités de l’occupation nazie en Yougoslavie. Aucune dimension anhistorique dans ces visions cauchemardesques, mais un processus de dissociation symbolique pour rendre compte de l’actualité des ciels vides et des espaces dévastés. Le trait expressionniste, l’aveuglante noirceur de la lumière, la subtile flamboyance de la couleur (rouges, noirs, clairs-obscurs) manifestent ce paroxysme permanent, incisif, corrosif du temps et de l’espace.
Le cycle inspiré des photographies d’Edward Muybridge (1973) et représenté ici par un seul tableau participe à cette stratégie de la tension. Dissocier pour rendre compte de la corruption du temps. Décomposer dans toutes les acceptions du terme.
Si Velickovic est bien l’un des acteurs essentiels du renouveau de la figuration des années soixante de l’autre siècle, son apport reste singulier. Ses images tournent résolument le dos aux artéfacts de la culture médiatique. L’imagerie pop lui est étrangère et il tient à distance les outils numériques. L’œil, la main, avant toute chose.

Velickovic est et reste peintre. Fondamentalement. Essentiellement. Un peintre crépusculaire, de ce passage, du jour à la nuit, et aussi qui marque l’instant qui précède le lever du soleil. Entre chien et loup. Quand l’homme ne peut distinguer le chien du loup. Quand le chien et l’homme deviennent loups. Entre chiens et loups … à la temporalité du singulier s’ajoute le pluriel de la matérialité des sujets. C’est dans ce double mouvement du temps et des corps, dans cet intervalle, ce hiatus, que l’œil, la main et la mémoire appréhendent symboliquement le réel. Un entre-deux devenu le lieu du déploiement de l’acte de peindre, qui se constitue et s’affirme dans sa particularité visionnaire.

Velickovic a la conviction que la flamme de la peinture a été préservée par certains grands artistes figuratifs. Il trouve naturellement sa place sur la liste, non comme le gardien d’un temple en péril mais tel le messager d’une peinture qui sait trouver en elle-même les moyens et les fins de son dépassement.
Robert Bonaccorsi, octobre 2018

Pratique


Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 24 Octobre 2018 à 14:53 | Lu 241 fois

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