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Martigny, Suisse, Fondation Pierre Gianadda : Turner. The Sun is God. Du 3 mars au 25 juin 2023

En collaboration avec la Tate. Tous les jours de 10h à 18h


William Turner (1775-1851) Départ pour le bal (San Martino), exposée en 1846, huile sur toile, 61.6 x 92.4 cm, acceptée par la nation dans le cadre du legs Turner en 1856, © photo: Tate
William Turner (1775-1851) Départ pour le bal (San Martino), exposée en 1846, huile sur toile, 61.6 x 92.4 cm, acceptée par la nation dans le cadre du legs Turner en 1856, © photo: Tate

William Turner (1775-1851) Bacchus et Ariane, exposée en 1840, Huile sur toile. Dim. 78.7 x 78,7 cm acceptée par la nation dans le cadre du legs Turner en 1856, © photo: Tate
William Turner (1775-1851) Bacchus et Ariane, exposée en 1840, Huile sur toile. Dim. 78.7 x 78,7 cm acceptée par la nation dans le cadre du legs Turner en 1856, © photo: Tate

William Turner (1775-1851) Le Saint-Gothard, vers 1806-7 Aquarelle sur papier, dim. 18.4 x 26 cm Acceptée par la Nation comme part du legs Turner en 1856, , © Photo Tate
William Turner (1775-1851) Le Saint-Gothard, vers 1806-7 Aquarelle sur papier, dim. 18.4 x 26 cm Acceptée par la Nation comme part du legs Turner en 1856, , © Photo Tate

A savoir

Le plus jeune artiste jamais élu à la Royal Academy
Reconnu comme le plus grand paysagiste de la période romantique en raison de sa maîtrise de la lumière, de la couleur et de l’atmosphère, Turner, né en 1775 à Londres, signe à l’âge de 12 ans ses premiers dessins, surtout des copies d’après d’autres artistes. Admis à l’école de la Royal Academy en 1789, il suit d’abord les cours d’après l’antique puis ceux d’après le modèle vivant jusqu’en 1793. Cette même année, il reçoit un prix de la Royal Society of Arts pour le dessin et le paysage. Il voyage en Grande-Bretagne, en France, en Suisse : ses nombreux déplacements contribuent largement à son inspiration. Turner rencontre rapidement le succès, surtout grâce à l’aquarelle, première technique dans laquelle il s’exprime et qui permet d’affirmer en un instant la trace d’un rayon de soleil ou d’un orage. Sa virtuosité se voit couronner en 1802 par son élection comme membre à part entière de la Royal Academy. Londres et la Tamise se révèlent des thèmes récurrents mais de ses innombrables voyages en Grande-Bretagne, en Europe et dans les Alpes il signe une œuvre colorée, dont l’exubérance chromatique se mêle à l’alchimie de la lumière. Ce précurseur du paysage romantique et de l’impressionnisme, à la vie secrète, s’éteint en 1851 et, selon son désir, est enterré dans la crypte de la cathédrale Saint-Paul.

Les cimaises de la Fondation accueillent une seconde fois les chefs-d’œuvre de Turner de la Tate.
David Blayney Brown signait en 1999 une remarquable exposition : Turner et les Alpes et remportait un grand succès. 24 ans plus tard, il assure à nouveau le commissariat de cette exposition proposant plusieurs thèmes illustrés par les huiles, les aquarelles et les gouaches de cet illustre artiste dont l’œuvre oscille entre romantisme et impressionnisme. Parmi toutes ces techniques, la sélection démontre à quel point l’aquarelle joue un rôle capital dans sa manière de capturer l’intensité des forces de la nature avec une expressivité inégalée.

Mémoire, imagination et synthèse
Les voyages que Turner entreprend en Grande-Bretagne et en Europe se révèlent une source d’inspiration inépuisable pour ses peintures de paysages. Les croquis réalisés en plein air constituent une source qui alimente ses dessins et ses aquarelles réalisés en atelier. Il les agrémente de récits mythologiques ou historiques pour créer des paysages spectaculaires où l’imagination le dispute à la mémoire. Turner n’a jamais visité la Grèce, et pourtant certains tableaux reflètent avec justesse son atmosphère à la fois fantastique, son ciel éclatant et ses dieux solaires. Dans ce premier thème, on peut admirer l’aquarelle et la gouache sur papier de Turner illustrant : Le Pont du Diable et les gorges de Schöllenen, mine de plomb, aquarelle et gouache fondée sur des études lors de la visite de Turner en Suisse. Il entend parler de cette gorge vertigineuse désarmant celui qui s’hasarde à la reproduire ! Ce gouffre traversé par le Pont du Diable impressionne fortement Turner. Reconstruit après avoir été détruit en 1799 lors d’un affrontement des Russes menés par Souvarof contre le puissant ennemi français, ce pont devient éponyme de la bataille sanglante du Pont du Diable. Elle alimente l’imagination de Turner qui en 1802 place des soldats parsemés dans la gorge dans un décor terrifiant d’une nature dramatisée !

Mise en situation
Traduisant le ciel, la mer agitée, les orages ou la sérénité des plaines, les paysages de Turner s’affirment aussi importants que les personnages représentés. La mythologie se révèle très impliquée dans son œuvre mais les sujets profanes tels les agriculteurs, les marins ou les soldats occupent également une place considérable. Le génie de Turner s’exprime dans la reproduction exemplaire mais souvent en furie des éléments naturels traduits par l’huile ou l’aquarelle. Pour illustrer l’action de ses protagonistes dans l’exaltation des paysages il crée une situation comme dans cette peinture à l’huile de 1840 Bacchus et Ariane, Abandonnée sur l’île de Naxos par Thésée, Ariane rencontre Bacchus. Turner évoque la détresse d’Ariane avec ce site dominé par un arbre menaçant, une nature peu hospitalière qui accentue la condition dramatique de cette déesse esseulée avant que Bacchus l’emporte à Lemnos. Turner amène un certain mystère dans cette toile. En effet l’eau conduit le regard jusqu’aux nuages aux accords en demi-teintes qui ferment le paysage avec cet effet de « dissolution » propre à Turner. D’une façon très synthétique, il invente une architecture avec quelques élans grecs qui se profile de façon évanescente. Il traite le cortège de Bacchus de façon elliptique contrairement à celui très détaillé du Titien qui l’aurait inspiré.

Lumière et atmosphère

Ce thème démontre comment la préhension des phénomènes météorologiques devient une obsession constante pour Turner. Aux éléments topographiques, il va privilégier la lumière dont les pans finissent par engloutir la réalité au profit d’une méditation étincelante. Grèves de Duddon, Cumbrie, mine de plomb, aquarelle, craie sur papier, 1825-1832 démontre comment Turner abolit la géographie au profit d’une masse imposante de nuages chargée d’orages qui ne permet pas d’identifier le lieu. L’artiste se satisfait de cet état inachevé et purement atmosphérique, un espace non construit mais qui vit par la lumière et les couleurs.

The Sun is God
Avant sa mort, Turner aurait déclaré : « The Sun is God ». En effet l’astre du jour occupe une place prépondérante dans son œuvre. Il le considère comme un « motif joyeux… le plus beau des êtres ». Certains critiques interprètent le soleil de Turner comme un autoportrait !
Cette section avec cinq peintures à l’huile peut être considérée comme le joyau de l’exposition. Non seulement il peint le soleil mais il lui confère une grande énergie. Départ pour le bal (San Martino), 1846, huile sur toile, des bateaux emmènent des fêtards dans les bals masqués légendaires de Venise. Des bateaux et des personnages, Turner ne transmet que des impressions fugitives avec la cité des Doges et ses édifices envahis par la brume qui se détachent comme des spectres. Avec un grand lyrisme, Turner peint un coucher de soleil qui imprègne l’eau de reflets dorés et lumineux, irradiant le ciel de tonalités subtiles qui lui donne un air de mystère.

Une esthétique du sublime
Ce thème met en exergue le pouvoir sublime de la lumière, capable de traduire l’ambiance, la joie, le drame, la crainte ou l’émerveillement dans un tableau. Grâce à cette lumière, Turner revisite certains lieux dont la beauté l’impressionne. Cultivant le flou, grâce à sa technique de superposition et d’élimination répétées de la peinture, il réussit à provoquer un effet de dissolution et de transcendance. En témoigne Lever du soleil ? Pêche au merlan à Margate, 1822, aquarelle, port de pêche fréquenté par Turner déjà à l’âge de 11 ans quand il séjourne chez un oncle poissonnier. Il y revient souvent dès 1820 pour saisir la mer et le ciel animés par les caprices du soleil, dont il traduit avec des jeux de lumière « sublimes » le sable, le bleu de l’eau et de l’horizon. Il ne retient que l’essentiel et réinvente un paysage où la sensation et les vibrations l’emportent sur la réalité.

Face aux ténèbres
S’inspirant de ses lectures sur la théorie des couleurs, Turner considère la lumière et l’ombre à valeurs égales. En effet la lumière sublimée n’existe pas sans l’acmé des ténèbres. Pour obtenir plus d’impact, il juxtapose ces deux phénomènes. Il utilise également le sublime pour éveiller la crainte du spectateur devant la puissance de la nature. Une traînée noire parcourt son œuvre pour inspirer la peur. Dans la dernière décennie de sa carrière des formes sombres et inquiétantes envahissent sa peinture comme cette huile sur toile Mer agitée avec une épave en flemmes, 1835/1840, huile sur toile. Turner y montre la furie de la mer impétueuse, l’épave qui traduit le péril couru par ceux qui l’affrontent. La lutte des éléments déchaînés s’exprime par des tons qui annoncent les ténèbres et le néant pour l’homme qui les côtoie. La force de cette houle tumultueuse se manifeste ici par la tension des couleurs antagonistes de la lumière.

En regard de la nature
Observateur redoutable et passionné de la nature, Turner capte l’atmosphère qui l’entoure. La première partie de cette section projette le visiteur dans le monde naturel de Turner et démontre son expérience symbolique dans les paysages. Avec une sélection pertinente de ce thème, on peut évaluer la façon dont Turner transcrit une nature affectée par l’industrialisation. L’exposition se termine par des études de Turner sur les changements atmosphériques qui en résultent. La vapeur mêlée à la pollution provoque une nouvelle brume dont témoigne Dudley, Worcestershire, gravé par R. Wallis, 1835. Turner ici ne s’inspire plus de vues pittoresques avec des abbayes ou des temples, mais il met en exergue l’activité industrielle et son influence néfaste sur la nature. La densité de la fumée qui jaillit des cheminées atteste d’une grave nuisance ! Mais, Turner n’oublie pas le passé qui imprègne ses paysages en soulignant les ruines du château qui se détachent sur un ciel tourmenté. Cette gravure au trait dévoile combien ce peintre romantique, démontre d’une façon lucide et pointue le danger de l’arrivée des « temps modernes » défiant la nature… et l’homme.

Info+

Fondation Pierre Gianadda
Rue du Forum 59
1920 Martigny (Suisse)


Téléphone : +41 (0) 27 722 39 78
site internet : www.gianadda.ch/
mail : info@gianadda.ch

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 7 Février 2023 à 00:11 | Lu 319 fois

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