Mathis Gasser, Blue-eyed, 2009, collection privée. Photo : Annik Wetter - MAMCO, Genève
Si le titre (l’esprit du temps) entend bien qualifier un climat actuel, il renvoie également à une exposition éponyme tenue au Martin Gropius Bau de Berlin en 1982. Très discutée à l’époque, elle témoignait de la déferlante figurative et expressionniste qui s’abattit de part et d’autre de l’Atlantique, entre néo-expressionnisme américain, Transavanguardia italienne et Neue Wilden allemand. A la fois constat et manifeste d’une époque, l’exposition berlinoise a marqué l’histoire de l’art récente comme un point d’acmé dans les débats entre modernes et post-modernes, souvent argumentés en termes de vie et de mort de la peinture.
On retrouve au MAMCO en 2017 un monumental diptyque de David Salle, Zeitgeist II, exposé au Martin Gropius Bau en 1982. A elle seule, cette œuvre permet d’évoquer la controverse historique, tant le peintre a pu cristalliser les débats houleux autour de la figuration. A l’orée des années 1980, si la tendance figurative est en effet dénoncée par certains comme académique, réactionnaire et dictée par le marché, elle est célébrée par d’autres comme une libération des carcans abstraits et conceptuels qui ont prévalu dans le récit moderne d’après-guerre. Ce retour de la figure s’entrevoit donc ici comme celui d’un refoulé ; et la peinture peut désormais s’aventurer aussi bien sur les terrains du grotesque que de l’abjection.
Parallèlement à l’émergence de cet expressionnisme turbulent, il faut noter la réévaluation progressive d’une peinture longtemps en marge de l’histoire de l’art officielle, comme en témoignent les expositions Bad Painting en 1978 ou The Other Tradition de 1966. Une peinture provinciale, à rebours des canons esthétiques, qui manipule un répertoire iconogra- phique d’une extraordinaire variété, allant de l’art antique à la culture de masse. On soulignera à cet égard l’importance, aujourd’hui largement reconnue, de figures comme William
N. Copley ou Dorothy Iannone dans les liens qu’elles ont su tisser entre le vernaculaire américain et les avant-gardes européennes.
Ces débats artistiques internationaux ont trouvé une résonance particulière en Suisse. Dans le Zurich des années 1970, les frasques artistiques d’un Friedrich Kuhn sont autant de désaveux du dogme de Max Bill et de l’abstraction concrète, tandis que Peter Fischli et David Weiss puisent dans l’art brut et le folklore des motifs propices à questionner la virtuosité et le statut de l’artiste.
Longtemps perçu comme un récit parallèle pris dans une dialectique outsider / insider, cette « autre » tradition, cette « autre » modernité apparaît aujourd’hui comme une extension du champ des possibles picturaux. La culture populaire, les mythes ou l’ironie sont désormais autant de tropes au service des artistes.
L’exposition du MAMCO conduit le visiteur à travers plusieurs étapes de ce récit divergent, envisagé dans une géographie transatlantique. Sont réunis ainsi plusieurs protagonistes historiques (William N. Copley, Jean-Frédéric Schnyder, Dorothy Iannone), tandis que plusieurs salles marquent le questionnement critique de l’image (Walter Robinson, Aldo Walker, Christian Lindow, Rosemarie Trockel), de l’expressivité (John Miller, Jutta Koether, Sue Williams, Mai-Thu Perret, Josh Smith, Rachel Harrison) et du style (Jana Euler, Laura Owens, David Hominal). Les pratiques les plus contemporaines ne sont pas en reste, avec des contributions de jeunes artistes tels que Caroline Tschumi, Seyoung Yoon, Walter Price, Sarah Tritz, Hayan Kam Nakache ou Konstantin Sgouridis. Celles-ci nous rappellent que, à l’ère du numérique et de la saturation des images, les pratiques contemporaines sont peut-être davantage figurales que figuratives et que l’expressivité s’en- visage comme un outil critique plutôt que le témoignage d’une subjectivité toujours incertaine.
On retrouve au MAMCO en 2017 un monumental diptyque de David Salle, Zeitgeist II, exposé au Martin Gropius Bau en 1982. A elle seule, cette œuvre permet d’évoquer la controverse historique, tant le peintre a pu cristalliser les débats houleux autour de la figuration. A l’orée des années 1980, si la tendance figurative est en effet dénoncée par certains comme académique, réactionnaire et dictée par le marché, elle est célébrée par d’autres comme une libération des carcans abstraits et conceptuels qui ont prévalu dans le récit moderne d’après-guerre. Ce retour de la figure s’entrevoit donc ici comme celui d’un refoulé ; et la peinture peut désormais s’aventurer aussi bien sur les terrains du grotesque que de l’abjection.
Parallèlement à l’émergence de cet expressionnisme turbulent, il faut noter la réévaluation progressive d’une peinture longtemps en marge de l’histoire de l’art officielle, comme en témoignent les expositions Bad Painting en 1978 ou The Other Tradition de 1966. Une peinture provinciale, à rebours des canons esthétiques, qui manipule un répertoire iconogra- phique d’une extraordinaire variété, allant de l’art antique à la culture de masse. On soulignera à cet égard l’importance, aujourd’hui largement reconnue, de figures comme William
N. Copley ou Dorothy Iannone dans les liens qu’elles ont su tisser entre le vernaculaire américain et les avant-gardes européennes.
Ces débats artistiques internationaux ont trouvé une résonance particulière en Suisse. Dans le Zurich des années 1970, les frasques artistiques d’un Friedrich Kuhn sont autant de désaveux du dogme de Max Bill et de l’abstraction concrète, tandis que Peter Fischli et David Weiss puisent dans l’art brut et le folklore des motifs propices à questionner la virtuosité et le statut de l’artiste.
Longtemps perçu comme un récit parallèle pris dans une dialectique outsider / insider, cette « autre » tradition, cette « autre » modernité apparaît aujourd’hui comme une extension du champ des possibles picturaux. La culture populaire, les mythes ou l’ironie sont désormais autant de tropes au service des artistes.
L’exposition du MAMCO conduit le visiteur à travers plusieurs étapes de ce récit divergent, envisagé dans une géographie transatlantique. Sont réunis ainsi plusieurs protagonistes historiques (William N. Copley, Jean-Frédéric Schnyder, Dorothy Iannone), tandis que plusieurs salles marquent le questionnement critique de l’image (Walter Robinson, Aldo Walker, Christian Lindow, Rosemarie Trockel), de l’expressivité (John Miller, Jutta Koether, Sue Williams, Mai-Thu Perret, Josh Smith, Rachel Harrison) et du style (Jana Euler, Laura Owens, David Hominal). Les pratiques les plus contemporaines ne sont pas en reste, avec des contributions de jeunes artistes tels que Caroline Tschumi, Seyoung Yoon, Walter Price, Sarah Tritz, Hayan Kam Nakache ou Konstantin Sgouridis. Celles-ci nous rappellent que, à l’ère du numérique et de la saturation des images, les pratiques contemporaines sont peut-être davantage figurales que figuratives et que l’expressivité s’en- visage comme un outil critique plutôt que le témoignage d’une subjectivité toujours incertaine.
Pratique
MAMCO
Musée d’art moderne et contemporain
10, rue des Vieux-Grenadiers
CH-1205 Genève
tél. + 41 22 320 61 22
fax + 41 22 781 56 81
www.mamco.ch
Le musée est ouvert du mardi au vendredi de 12 à 18h, tous les premiers mercredis du mois jusqu’à 21h, samedi et dimanche de 11 à 18h. Fermeture le lundi ainsi que le vendredi 14 avril 2017
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